Le quatrième scénario : l’étincelle

FX Thoorens
9 min readJan 5, 2021

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Dans une excellente tribune, Yorick de Mombynes explicite 3 scénarii possibles pour le futur économique autour de bitcoin. Privilégiant comme lui le scenario du chaos, avec un bitcoin atteignant 200 000 $ en 2025, comme la plus plausible, je ne me suis cependant pas retrouvé exactement dans la description, voici donc la mienne, au lecteur de juger.

Autoroute pour le bitcoin

2008. Nous sommes à un point de rupture. Le modèle économique mondial est d’abord financier, et tout comme la finance, une saine économie est surtout une économie qui croît. L’or étant en quantité limitée, il a fallu d’abord en désindexer la monnaie pour se laisser un espace de liberté et de folie. C’est maintenant chose faite.

Mais cette croissance est hélas! limitée aujourd’hui par les possibilités tout simplement matérielles de notre bonne planète Terre.

“Qu’à cela ne tienne, il suffit de financiariser l’environnement pour qu’il croisse aussi”, pensent nos financiers avec un soupir de soulagement. La technologie, qui s’invoque aujourd’hui comme le Saint-Esprit, fera le reste.

Endettons nous donc jusqu’à plus soif, l’ingéniosité financière et le contrôle des populations est ici pour tenir l’édifice. Comment ? Les taux d’intérêts sont insoutenables ? He bien allons vers des taux d’intérêts négatifs. De quoi ? Les gens utilisent des moyens contournés pour faire circuler de la valeur ?interdisons le cash et l’or comme moyens de paiement et appliquons des règles de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (AML/FT). On se demande d’ailleurs pourquoi avoir ajouté le terrorisme dans tout ça, si ce n’est pour une opération de communication soft power. “Regardez à la télé comme c’est méchant d’utiliser du cash ou de réclamer le droit à la vie privée ! Tout cela n’est que du terrorisme déguisé, comme l’a démontré brillamment le fact-checker du journal Le Monde”. Passons.

Qui est Monsieur Bitcoin ?

Devant ces barils de poudre sagement entreposés donc dans le hangar financier du monde, apparaît de façon messianique Bitcoin, un machin hors cadre qui ne répond à aucun critère classique. Est-ce de l’argent, un actif, un stockage de valeur, de l’or numérique, un moyen de paiement, du financement du terrorisme, un nouvel ovni juridique qui casse la comptabilité en partie double ? Un peu de tout en fait.

Le Bitcoin et les cryptomonnaies qui suivent son sillage avec moins de succès se sont transformés en caillou dans la chaussure financière. Tout d’abord un petit caillou, ce n’est qu’une bulle spéculative sans fondement, une nouvelle tulipe sans valeur intrinsèque. Ensuite devant la montée du prix, on se dit qu’il y a quelque chose, et les acteurs de la finance se précipitent en se pinçant le nez pour acheter le nouvel or noir numérique à coup de paquets de centaines millions de dollars empruntés sur les marchés. La bouée de sauvetage qui n’existait pas en 2008 au temps du ‘too big to fail’ s’amarre doucement à l’économie réelle, transformant petit à petit le monde bancaire en ‘too big to sail’.

Vous reprendrez bien une petite louche de stable coin

2021. Prises de panique, les banques centrales, sentant le vent tourner, décident elles aussi de court-circuiter les banques en amarrant leur monnaie à l’économie réelle. Le cours légal des monnaies fiduciaires via un stable coin est censé être maintenu en l’imposant dans les mains des utilisateurs, car sachez le, le problème de la monnaie fiduciaire c’est que votre application bancaire n’est pas très pratique et un peu old school. Avec le stable fiat vous pourrez faire vos achats en un clin d’oeil. Ce même oeil qui observera toute vos transactions pour s’assurer que vous ne faites plus ni du black ni ne terrorisez le gouvernement utilisant d’autre moyens que l’urne-poubelle, sinon vous serez saisi de vos avoirs en un clin de l’autre oeil.

Et surtout çà ira bien plus vite que bitcoin et bien moins cher !

Non les utilisateurs du bitcoins ne le font pas pour sa fluidité de son expérience utilisateur — cela se saurait ! — ou le fait qu’il soit rapide. Pourquoi diable ?

En attendant les monnaies sont dans la tourmente.

La nouvelle donne ou la grande fusion

Las, les gouvernements vont sortir leur dernière carte. L’interdiction ? Soyons sérieux ! la réquisition ? Soyons plus subtil ! En outre la population l’a compris, la valeur de possession du bitcoin est incroyablement forte, ce qui le rend très difficilement saisissable.

En 2025, MicroStrategy jouit encore d’une bonne notoriété auprès des bitcoiners et de la population des pays développés. Ce n’est plus l’entreprise qui possède le plus de bitcoin mais elle a lancé le mouvement et le prix du bitcoin sur des sommets jamais atteints à plus de 200 000 $, équivalent en pratique à la capitalisation de l’or. La population a redécouvert les bienfaits de stocker des bitcoins pour les jours les plus durs, et ne se gêne pas pour l’utiliser en circuit parallèle à l’économie, échappant ainsi à l’impôt et transformant chaque personne sur terre en terroriste en gilet jaune. La situation n’est plus tenable.

Certes, quelques pays ont essayé de mettre en place un infrastructure de minage. Mais avec la compétition pour ramasser des miettes à l’issue du 4ème halving, la plupart des états a jeté l’éponge. Autant obliger les mineurs sur le sol national de revendre les bitcoins minés à la banque centrale. En France, on pleure.

Les Etats-Unis ont perdu beaucoup de leur suprématie face à la Chine et la Russie avec la chute de confiance du dollar. Ils ne peuvent plus financer les guerres utiles pour la paix dans le monde, qui s’embrase. L’Europe est réduite à 12 pays. Les autres ont rallié l’Angleterre et forment le Common Wealth Européen. Le coronavirus est devenue la nouvelle grippe. Tous les ans des vaccins sont mis au point sur les 2–3 souches covid qui dominent au début de l’automne et les états vaccinent une partie seulement de leur population qui en a les moyens. Les frontières se ferment et le trafic aérien s’effondre pour de bon.

Par un beau jour de février 2025, le président des US convoque Michael J. Saylor, Jack Dorsey le roi mondial du paiement et Elon Musk désormais à la tête de la plus grande quantité de Bitcoin qu’il a acheté avec le cash financier généré par Tesla en 2021. Aussi présents, Google, Apple, Microsoft et Amazon, Coinbase et Kraken. A leurs côtés, le président de la FED. Le deal est simple, soit les US confisquent leurs bitcoin en poursuivant leurs sociétés pour des activités illégales en lien avec des pays terroristes, soit ils rentrent dans le jeu de la nouvelle donne pour lutter contre le terrorisme économique.

Le deal ? Faire partie des acteurs qui lancent un nouvelle annexe de la Reserve Fédérale, nommée la Decentralised Federal Reserve (DFR). En échange de sécuriser leurs bitcoins au sein de la DFR, elle émet des bons numériques de fiat-bitcoin sécurisés par la blockchain qui auront seul droit de circulation sur le territoire US. Bien entendu les US se réjouissent d’avance de faciliter leurs actions légales ou illégales tant qu’elles sont alignées avec les intérêts des Etats-Unis d’Amérique ! Nos sauveurs de l’humanité vont faire le ménage eux-mêmes. L’Europe suit en se vassalisant dans la Decentralised Atlantic Alliance. Que peut-elle faire d’ailleurs, plus aucune entreprise sur son territoire ne possède de façon substantielle des bitcoin et les société d’échanges euros-bitcoin sont toutes Américaines. La Chine et la Russie prennent le même chemin de façon indépendante.

Coinbase et Kraken désormais ne livrent plus de bitcoin ou alors seulement à des coûts prohibitifs car les procédures AML/FT coûtent chères. A la place ils conseillent aux utilisateurs d’utiliser un compte DFR pour le fiat-bitcoin. Binance renâcle, mais suite au changement complet de management après les scandales sexuels à répétition de son fondateur Changpeng Zhao, la société décide de rejoindre la DFR. Celle-ci met à disposition sa technologie centralisée couche 2 pour toutes les cryptomonnaies. Rapide, peu chère et garantissant la vie privée grâce à la blockchain qui tourne dans une boite noire sécurisée sur des serveurs localisés à Fort Knox.

La politique est efficace, la base UTXO de bitcoin (les transactions non dépensées, un indicateur de l’activité de bitcoin) se réduit de façon drastique, ce qui est bienvenu. Une vaste campagne de communication pour mettre en valeur le succès de cette plateforme DFR , notamment capable de bancariser les débancarisés, est une vraie réussite.

Dans le même temps, le dollar à bout de souffle est réindexé sur l’or, même si des discussions âpres en interne ont eu lieu pour l’indexer sur le bitcoin. Le président a tranché en faveur de l’or, cela reste une valeur tangible sûre notamment en terme d’acceptation de la population. Du reste comme l’argent métal, on constate que le prix du bitcoin corrèle de plus en plus avec celui de l’or.

Le coup de grâce

Malgré l’activité grandissante du principal instigateur de la diminution de la taille des blocs, le small blockiste Luke Dashjr, pour gagner du temps et développer une solution de scalabilité de Bitcoin, la blockchain sature sur 1 tera octet, poussant petit à petit les malheureux propriétaires de noeuds bitcoin à abandonner la maintenance. Plus par dépit d’ailleurs car ils constatent que dans les faits, la DFR a plus fait pour alléger bitcoin que Lightening Network. Certes en abandonnant son âme, mais que faire fasse à une population qui ne s’est jamais vraiment intéressé à la sécurité cryptographique et encore moins au manifeste cypherpunk, et se jetant comme un agneau dans la gueule du loup de la DFR. Le prix du Bitcoin descend lentement, sa volatilité s’affaisse. Les sites complotistes expliquent que DFR émet bien plus de bitcoin-fiat qu’elle n’en possède, citant les phrases compromettantes du nouveau PDG de Coinbase, Francis Suarez l’ancien maire de Miami, passé lui aussi par la DFR.

Les places de marchés proposent de nombreux produits dérivés du bitcoin. Une grosse campagne de communication a d’ailleurs permis d’appeler bitcoin ce qui est en fait le fiat-bicoin. Le vrai bitcoin est désormais appelé le ‘sous-jacent numérique décentralisé’ dans la doxa des économistes les plus en vue.

La communauté des maximalistes se déchire. Chaque groupe de maximalistes se retrouve parfois autour de leur propre fork. Il y a les maximalistes traders qui ne voient pas d’un mauvais oeil de pouvoir jouir légalement de leurs gains. Après tout ils étaient là pour ça ! Il y a maximalistes libertariens, qui, même coincés avec leur bitcoins, rivalisent d’ingéniosité sur le darknet pour pouvoir l’utiliser. Mais certains se font pincer et rejoignent Ross Ulricht en prison. Enfin les maximalistes technologistes qui travaillent d’arrache-pied pour contrer la DFR. Mais force est de constater qu’il faut un nouveau Satoshi Nakamoto

Le bitcoin est mort, vive le bitcoin !

Cependant, un groupe de cyberactivistes anonymes tire les leçons de ce fiasco. La technologie est pourtant là. Il y a bien eu plusieurs forks de bitcoin dont un, le bitcoin-punk, a faillit réussir, mais à quoi bon, il ne pourrait que juste reculer les échéances.

Non il faudrait créer quelque chose qui soit efficace dès le début contre la tentative d’amasser les jetons, comme ont pu faire les institutionnels avec le bitcoin, c’était là le talon d’Achille que les Etats ont visé avec la flèche de la DFR.

Un nouveau whitepaper est publié sur bitcointalk décrivant une nouvelle technologie, le Phoenix, et peu de temps après, est mis à disposition le code source de la technologie. D’ailleurs le code était développé avant le whitepaper, à l’ancienne, comme au bon vieux temps.

Le 3 janvier 2030, 21 ans jour pour jour après son célèbre prédécesseur, le genesis block du Phoenix, est publié en inscrivant la une du Times :

Scientists discover new strain of coronavirus

Mais ceci est un autre histoire.

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